samedi 27 avril 2013

La Révolution française (15) : la fête de la Fédération, marqueur d'unité ou façade ?


La France se montre unie, mais…

Nous sommes le 14 juillet 1790, il y a tout juste un an la Bastille était prise et l’absolutisme tombait. Cette date anniversaire a été choisie pour célébrer l’unité enfin trouvée d’un royaume profondément restructuré depuis un an, dans son quadrillage territorial, dans ses administrations, ainsi que dans les hommes qui les dirigent. Il est un symbole de cette unité que l’on retrouve par tout le royaume : les fédérations de gardes nationales. Et c’est une fédération nationale qui doit symboliser en ce jour la réconciliation et l’unité d’un peuple autour de son roi. Elle est en même temps la consécration d’un mouvement qui a démarré dès l’automne 1789 dans le Dauphiné. Une multitude de fédérations locales ont suivi, plus ou moins importantes, parmi lesquelles on peut citer la fédération bretonne-angevine en février suivant, les fédérations en Bourgogne et dans le Lyonnais en mai, en Alsace ou dans le Nord en juin. Des fédérations de gardes nationales qui ont pu se révéler d’une grande utilité, en particulier ces dernières semaines dans le Sud où ont failli se rallumer les guerres de religion.
Ils sont ainsi des dizaines de mille à s’être dirigés vers Paris à l’invitation des Constituants, pour une journée que l’on qualifie déjà d’historique. S’étant joints à la garde nationale parisienne, commandée par La Fayette, tous ont convergé vers le Champs de Mars où les attendaient près de 300 000 personnes. Après que La Fayette eût prêté le serment « qui unit les Français entre eux et les Français à leur Roi pour défendre la liberté, la Constitution et la loi », le Roi lui-même s’est levé et a prêté serment, immédiatement salué des acclamations enthousiastes d’un peuple qui pense la concorde retrouvée. Belle image que cette journée où tout un peuple a communié, dans l’égalité, et autour de son Roi. Une belle image d’union, qui ne peut cependant cacher la réalité de tensions qui montent de toute part.
Ce sont d’abord des tensions sociales. La récolte de cette année semble bonne, mais les révoltes de paysans contre leurs seigneurs ne se sont jamais vraiment arrêtées depuis l’été 1789. Et ce notamment en raison de la distinction faite suite à la Nuit du 4 août entre droits féodaux supprimés et rachetables. Seule la suppression pure et simple de tout droit féodal y mettra un terme. La Fédération elle-même peut être révélatrice de tensions sociales futures, en cela que finalement une grande partie du peuple en était exclue : la garde nationale n’est réservée qu’aux citoyens actifs. Pourquoi les citoyens passifs n’y ont-ils pas leur place ? Le problème social a de même investi l’armée, où les officiers – aristocrates pour l’immense majorité – s’opposent de plus en plus à la troupe – patriote – à mesure que la Constituante avance dans ses réformes et dans son travail constitutionnel. L’armée est en train de se déliter, ses chefs acceptant de moins en moins le nouvel ordre.
Les tensions religieuses n’ont cessé de se renforcer depuis un an, entre la mise des biens de l’Eglise à disposition de la Nation, le refus de proclamer le catholicisme religion dominante, et la Constitution civile du clergé votée ce 12 juillet 1790 qui ne fera certainement pas que des heureux. Les violentes bagarres, voire les massacres, qui se sont produits à Nîmes ou à Montauban en mai et juin, sont un triste révélateur d’extrêmes tensions, qui peuvent se diffuser. Et la Fédération, toute unificatrice qu’elle ait pu être, ne les calmera pas, et cela continuera tant que les catholiques continueront à vouloir régner seuls sur terre.
Et il ne faut pas oublier les tensions politiques, que la Fête de la Fédération n’a certainement pas effacées comme par enchantement. Malgré les efforts de conciliation, notamment déployés par La Fayette, pour rapprocher noblesse et Tiers-Etat à l’Assemblée, l’ambiance y reste lourde. L’aristocratie reste dans sa majorité hostile aux changements révolutionnaires. Les constitutionnels et les démocrates s’en méfient, à raison. Le Roi lui-même, le « restaurateur des libertés françaises », semble avoir été réticent à prêter le serment fédératif. La contre-révolution se développe, à l’intérieur comme à l’extérieur du royaume.
Il y a fort à craindre que cette fête de la Fédération, si grandiose fut-elle, n’ait été que l’unificatrice d’un jour pour un peuple encore loin de l’apaisement.





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